Date
Décembre 2025

Safety culture maturity models in occupational safety and health


Sous-titre
An updated scoping review
Culture de sécurité
auteur
Auteur(s) :
auteurs

Stefania Curti, Mena Gallo, Mattia Roberto Nocilla, Andrea Montagnani, Stefano Mattioli, Maria Grazia Gnoni & Diego De Merich

référence
Référence :
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Curti, S., Gallo, M., Nocilla, M. R., Montagnani, A., Mattioli, S., Gnoni, M. G. & De Merich, D. (2025). Safety culture maturity models in occupational safety and health: An updated scoping review. Safety Science, 192, 107003.

Notre avis

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3
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Une revue de littérature de collègues italiens sur un sujet central pour l’Icsi et la Foncsi : l’évolution de la culture de sécurité appliquée à la sécurité du travail. À lire pour bien comprendre la maturation des idées au fil du temps, et le chemin qui reste à faire.

Notre synthèse

Définitions de la culture de sécurité

Le terme culture de sécurité a été introduit pour la première fois dans le nucléaire en 1986 après la catastrophe de Tchernobyl, puis repris par la suite par différentes instances, nucléaires ou autres, avec des contenus parfois assez différents.

Pour ne citer que les plus connues de ces formulations, on trouve :



Ensemble des caractéristiques et attitudes d’une organisations et de ses composantes humaines qui partagent des priorités sur ce qui est important et pas.

Nucléaire - IAEA (1991)



Idées et croyances que tous les membres d’une organisation partagent sur le risque, les accidents et la maladie (due au travail).

Confédération anglaise de l’industrie (1991)



Produit des valeurs individuelles et collectives, attitudes, compétences, et comportements qui détermine l’engagement, le style et l’efficacité de l’organisation sur la sécurité du travail.

Advisory Committee for Safety in Nuclear Installations - ACSNI (1993)



 

Les modèles de maturité

De la même façon, on a proposé au fil du temps plusieurs solutions de mesure de la maturité d’une culture de sécurité des organisations, mais aucune n’a démontré une fiabilité calculée prouvée en termes de gain de sécurité sur le terrain d’un niveau à l’autre.


Le modèle de westrum

Westrum (1993) a ainsi proposé son célèbre modèle de maturité distinguant trois niveaux :

  1. Pathologique : on n’écoute pas le messager.
  2. Bureaucratique : on l’écoute, on applique les règles et on accuse le lampiste sur le principe d’une boucle courte.
  3. Générative : on regarde les causes profondes, on apprend, on généralise les résultats.

La courbe DuPont Bradley

La courbe DuPont Bradley (1995) propose 4 étapes de maturité :

  1. Reactive : on réagit à l’incident, on attend juste de l’observance.
  2. Dependent : on renforce la discipline, règles et procédures.
  3. Independent : on observe l’engagement individuel pour la sécurité de chacun.
  4. Interdependent : c’est l’engagement de toute l’équipe, comme un collectif uni, qui devient fort.

Hudson à la suite de Westrum

Hudson (2001) a enrichi le modèle de Westrum avec deux niveaux intermédiaires : reactive et proactive. Et il a remplacé le niveau bureaucratic par le terme calculative, pour signifier que ce niveau correspond à une mise en place des organisations, avec tous les outils d’audits et de retour d’expérience, mais en restant très réactif. C’est le niveau proactif suivant qui représente un tournant en utilisant les outils plus dans la logique d’anticipation des problèmes, y compris la conscience partagée et actualisée des risques potentiels entre terrain et management.

Le modèle HSE de Flemming

Flemming (2001), la même année qu’Hudson, a proposé son modèle HSE (Health and Safety Executive) qui identifie aussi 5 niveaux de maturité : emerging, managing, involving, cooperating et continually improving. Ces niveaux permettent de décliner la maturité de sécurité de l’entreprise : en partant d’un niveau totalement indifférent, où l’on considère qu’appliquer les procédures résout le problème de sécurité ; puis arrivent des stades où cette priorité est d’abord celle des opérateurs ; puis celle de l’encadrement de proximité ; avant de remonter au stade le plus mature, avec la direction qui en fait une valeur et une priorité de son organisation et de ses décisions.

 

Les revues de 2018 et 2022

Deux revues ont testé ces différents modèles de maturité (Ayob 2022, et Foncalves Filho and Warterson 2018), et toutes les deux ont montré que même si l’usage d’une matrice de culture de sécurité est devenu banal dans l’industrie - particulièrement dans l’Oil and Gas, la construction et la santé - on en est resté à « diagnostiquer » l’état de maturité et son évolution désirée (par questionnaire généralement), sans vraiment les valider par des résultats précis d’amélioration ou de dégradation de la sécurité de l’entreprise passant d’un niveau à l’autre (dans un sens de plus grande maturité ou l’inverse).

 

Qu’en est-il après 2022 ?

Le but de l’article est de fouiller dans la littérature ce qui a été démontré et consolidé en matière de validation, et le gain réel pour la sécurité depuis ce constat. C’est pourquoi la revue ne porte que sur les années 2022 à fin 2024 (date de la dernière analyse d’Ayob en 2022 à aujourd’hui).

Dans cette (très) courte période, 3 888 articles ayant un ou plusieurs mots clés de culture de sécurité, maturité, mesure, plus une liste de concepts proches ont été repérés dans les publications. Sur ce total, 3 214 ont été lus en se limitant à leur résumé, et 32 finalement lus intégralement. À la fin, seules 17 publications ont été retenues, pour leur pertinence dont 15 sont des publications d’actes de congrès. 6 proviennent d’Indonésie, 3 du Brésil, 1 des USA, de Pologne, de Finlande, d’Australie et d’Iran. Elles concernent beaucoup de secteurs industriels, de l’Oil and Gas à la navigation commerciale, en passant par la santé et le BTP.  On notera que la variété des pays contributeurs des études (occidentaux, asiatiques, pays au niveau de développement divers) ne doit pas masquer que ces études restent menées sur de grandes entreprises internationales, et ne concernent quasiment jamais des PME-ETI, en Occident comme ailleurs.

La majorité (10) de ces études s’intéresse à l’accès à un niveau de maturité supérieur de sa culture de sécurité pour l’entreprise, avec une reprise dominante du modèle d’Hudson précité.

Les résultats de ces études récentes (depuis 2022) restent dans la veine de ceux publiés avant 2022. On cherche toujours à faire un diagnostic du niveau de maturité actuel, pour le faire monter en maturité dans l’entreprise, mais en restant toujours avec une faible opérationnalisation des outils d’évaluation de ce changement désiré (organisationnels, indicateurs, etc.). Les évaluations restent très largement qualitatives, basées sur des questionnaires et des entretiens successifs. 
Seules deux études utilisent des indicateurs quantitatifs. Sans surprise, les dimensions les plus suivies sont les évolutions de perception du leadership, de l’engagement, de la communication, de la participation. 

Les dimensions les moins suivies sont les chiffres de sinistralité sous toutes formes dans le domaine de la sécurité du travail (du décompte des incidents, accidents, des jours d’absences, mutation, démission, maladies professionnelles, ou même conséquences chiffrées sur la QVT).

Les auteurs pointent la faiblesse de ces postures, et regrettent aussi qu’il n’y ait pas plus d’applications à des PME-ETI, dans des pays pauvres où les ressources manquent plus cruellement que dans nos pays. Une extension du regard sur la culture de sécurité à ces pays et aux petites entreprises donnerait sans doute une opportunité de progresser plus vite sur l’opérationnalisation du concept par la lecture plus contrainte qu’il imposerait.

 


Un commentaire de l’équipe Foncsi

Caractériser et évaluer une culture (et encore plus la mesurer) est une entreprise très délicate, tout comme définir une relation d’ordre linéaire permettant de dire qu’une culture, par essence multidimensionnelle, est plus mûre qu’une autre. Il y a certainement des modèles meilleurs que d’autres, mais de toute manière le modèle choisi sera très imparfait, sans mentionner l’absence de corrélation démontrée entre maturité de la culture et sécurité. Pour autant, l’idée a ses vertus, si tant est qu’elle soit utilisée de façon constructive, et en pleine conscience de ses limites. La stabilité et la récurrence d’une évaluation de la culture de sécurité dans une entreprise permet des comparaisons dans le temps et dans l’espace de l’entreprise (entre unités), comparaisons qui, loin de représenter une vérité absolue, permettront de susciter attention et discussions, et d’alimenter des décisions. Cela suppose de toujours garder à l’esprit que, le modèle étant imparfait, il faut compléter son utilisation par d’autres moyens d’interrogation (ne serait-ce que par l’attention du staff de spécialistes et des managers). 

Enfin, la faible pénétration et la pertinence de ces outils dans les petites entreprises, dans lesquelles l’informel domine, avec ses « on a toujours fait comme ça », sont à questionner. Outil de transformation profonde par la mise au jour de phénomènes non conscientisés, ou outil de gestion supplémentaire aveuglant et coûteux en ressources, les données manquent à ce jour pour statuer.