Date
Avril 2023

The potential of responsible business to promote sustainable work


Sous-titre
An analysis of CSR/ESG instruments
Risques industriels & reporting ESG
auteur
Auteur(s) :
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Torres, L., Ripa, D., Jain, A., Herrero, J. & Leka, S.

référence
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Torres, L., Ripa, D., Jain, A., Herrero, J. & Leka, S. (2023). The potential of responsible business to promote sustainable work – An analysis of CSR/ESG instruments. Safety Science, 164, 106151.

Notre avis

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4
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Une équipe anglo-espagnole (Nottingham, Lancaster et Oviedo) nous propose une remarquable revue de questions très bien documentée et actualisée sur le reporting ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance), sur les KPI (Key Performance Indicator) à considérer, et sur les organismes internationaux qui essaient de normaliser ce domaine, en mentionnant aussi tous les manques encore identifiés. 

On notera particulièrement les dates des publications citées, pour la plupart postérieures à 2020, ce qui souligne le caractère ultra-récent des avancements sur ces sujets.

Au total, un très bon article dans le cadre du futur programme « Foncsi 4 » où l’on retrouve ce thème parmi les 6 retenus pour analyse stratégique. 

Notre synthèse

Les conditions de travail ont rapidement évolué en quelques années avec la révolution digitale, les nouveaux contrats et formes de travail (ubérisation, réseaux de sous-traitances, internationalisation et bien d’autres nouveautés), les exigences sociales nées de l’épisode de la Covid (télétravail…), et les nouvelles contraintes démographiques (vieillissement au travail, ressources tendues côté embauche de jeunes sur plusieurs métiers).

Partout dans les pays riches, ces conditions sont devenues un domaine clé pour la productivité des entreprises qui est de plus en plus dépendante de la satisfaction des salariés, du plaisir associé au travail proposé, de la reconnaissance de son empreinte et utilité sociétale (un sens) et, évidemment, de l’exigence d’une meilleure santé au travail.

Des réglementations/directives nationales sur ces « nouvelles » conditions de travail et de « pénibilité acceptable » sont nées dans ce contexte, complétées par des directives et initiatives internes aux entreprises. Il s’agit ni plus ni moins que de négocier une sorte de nouveau pacte social réuni dans de nouveaux standards englobant le respect augmenté de valeurs d’actualité de la société, comme la réduction de l’empreinte carbone, un nouveau leadership, des engagements éthiques sur le travail… bref, un engagement de la direction sur une série d’actions lisibles et publiques de l’entreprise sur des valeurs partagées environnementales, sociales et de gouvernance (ESG).

Mais au-delà de l’idée généreuse, l’absence de standardisation inter-entreprises de cette approche reste la règle. Les universitaires (par exemple, Adams & Abhayawansa, 2022) ont commencé récemment à proposer d’harmoniser ces démarches de transparence.

L’harmonisation la plus avancée concerne celle du reporting sur les caractéristiques « vertes » des entreprises et la réduction de l’empreinte carbonée. Les travaux de l’International Financial Reporting Standards Foundation (IFRS Foundation), repris par la Cop 26, ont notamment servi à harmoniser le reporting financier et le reporting sur la consommation des ressources d’eau par les entreprises.

Les travaux sur l’harmonisation du reporting social concernant les conditions de travail sont moins avancés. Beaucoup d’organismes, notamment le Global Reporting Initiative (GRI), organisme indépendant international siégeant à Amsterdam, essaient de guider cette normalisation.

Traditionnellement, les lois et réglementations sont dans les mains des gouvernements et de leurs agences spécialisées. Ceci suppose un rôle assumé de commande et contrôle de ces États sur ces réglementations. Dans ce cadre, le contrôle de la conformité aboutit normalement à des sanctions pour les entreprises « outiers », mais la réalité montre un système bien plus lâche et permissif dans beaucoup de pays (Frenkel & Schuessler, 2021). 

Même les pays riches préfèrent souvent s’éviter de promulguer trop d’exigences sur les conditions du travail qu’ils ne sauraient pas contrôler et laissent les entreprises prendre la main en interne sur la négociation sociale. Plus globalement, il n’y a toujours que 61 nations sur les 187 reconnues qui ont signé la convention sociale du travail (Social Security Convention) de 1952.

La réponse des entreprises à ce défi qui reposerait sur leur propre initiative et politique interne reste tout aussi complexe. Les multinationales ont l’art de jouer avec les différentes législations sur le travail pour (dé)localiser leur production. Souvent, le problème va même au-delà de l’existence d’une législation avec une attitude de « tick the box » qui fait apparaître l’entreprise comme étant observante sur le papier sans qu’elle le soit dans la réalité quotidienne. Dans ce cadre, on sait que les audits et contrôles externes sont utiles, mais trop souvent annoncés et formels, de sorte que les écarts réapparaissent à peine les audits réalisés (Wu & van Rooij, 2021).

Pour sortir de cet état de fait décevant, l’introduction par les États d’un contrôle plus souple (soft regulation) a fait son chemin en encourageant l’adoption et l’affichage par les entreprises de « codes de conduite sociale » qui seraient exigés, comparés et jugés par les actionnaires comme une vraie « valeur ajoutée de l’entreprise sur le marché ». 

Plusieurs grandes entreprises ont vu le vent tourner et commencé à adopter cette voie, en intégrant des codes d’éthique sociale dans leur business plan transmis au conseil d’administration et dans les documents destinés aux actionnaires (Eccles, Lee, Strochle, 2020 ; Pollman 2021). Reste à trouver les bons indicateurs de la composante « Corporate Social Responsibility » (CSR) de cette partie du reporting ESG.

Une première harmonisation de ces critères CSR a été proposée par les organismes politiques internationaux tels que le World Business Council for Sustainable Development (WBCSD), European Union (EU), Organisation for Economic Co-operation and Development (OECD) et International Labour Organization (ILO). L’effort était louable, mais, en même temps, les critères proposés se sont éloignés d’une définition académique, et du coup, se sont aussi éloignés des outils et méthodes pour les opérationnaliser et les auditer.

Ces critères ESG sont en général répertoriés en cadres généraux, standards et valeurs visées (GRI, 2022) :

  • Les cadres avec les principes généraux à respecter, les engagements pratiques et éthiques, comment les gérer et les publier.
  • Les standards qui décrivent et documentent le pourquoi et le comment de chaque mesure souhaitée.
  • Les valeurs à atteindre, le résultat espéré sur chaque standard qui reflètent plus une négociation entre parties concernées dans l’entreprise.

Des approches plus fines distinguent 6 catégories :

  • Les codes de conduite et éthiques
  • L’audit et management de ces domaines
  • Le comment du reporting des critères sociaux
  • L’investissement social réalisé sur l’environnement proche du travail
  • Le calcul de réputation et les classements inter-entreprises sur ces critères
  • Les tableaux de bord et auto-méthodes d’amélioration à disposition des conseils d’administrations

Les domaines couverts par les différents organismes ayant récemment publiés sur le sujet (par exemple le Word Economic Forum, le Sustainabiility Accounting Standards Board ou encore l’indice boursier MSCI - ancien Morgan Stanley - avec son ESG materiality Map), incluent pêle-mêle :

  1. un style de leadership socialement responsable,
  2. la santé et sécurité au travail,
  3. le développement du capital humain de l’entreprise,
  4. l’engagement vis-à-vis des employés, leur diversité, leur bien-être et dignité,
  5. la protection des sous-traitants,
  6. sans oublier la transformation et le regard sur le futur, et l’arrivée des nouvelles générations de travailleurs avec leurs valeurs propres.

Ces avancées réelles ne suppriment pas un contenu souvent flou derrière les idées proposées. Il faut encore progresser dans les instruments précis de mesure des concepts.

Les instruments assez matures et disponibles

L’article fait un point sur les instruments assez matures et disponibles.

Six thèmes et 36 sous-thèmes (parfois eux-mêmes subdivisés en sous-sous-thèmes) sont identifiés par les auteurs dans leur revue de littérature.

Thème 1 : la gouvernance de l’entreprise

Elle est clé dans la définition et l’achèvement des objectifs sociaux, les méthodes d’évaluation retenues et la façon dont les résultats sur les engagements sociaux seront communiqués à l’extérieur de l’entreprise. À noter que ces engagements sont différents et complémentaires de l’implication de la gouvernance sur le critère G du reporting ESG (composition des dirigeants et structure de la gouvernance). 

La gouvernance sociale doit rendre compte de trois points : le respect des règlements nationaux du travail, le respect des règlements internationaux, et l’ambition pour un impact social positif à l’intérieur de l’entreprise, et - de plus en plus - un impact social élargi sur la société (par exemple par la priorité donnée à l’emploi local, à la sécurité de l’emploi, à une facilitation de la politique familiale, etc.). Ces valeurs doivent faire partie de la culture de l’entreprise et de son éthique, et être évidemment partagées, connues et reconnues par tous les travailleurs.

L’évaluation communiquée à l’extérieur doit s’appuyer non seulement sur l’affichage mais aussi et surtout sur une matérialisation des actions concrètes mesurables.

Thème 2 : business, valeurs et droits de l’homme

Les droits de l’homme se subdivisent deux grands principes :

  1. éviter ou limiter au maximum les nuisances et effets délétères causés par l’organisation du travail et l’emploi ;
  2. développer et mettre à disposition toutes les protections nécessaires sur site, y compris la couverture médicale en cas d’accident.

Ce thème recouvre différents sous-thèmes, comme la lutte contre l’esclavage moderne, l’emploi des enfants, l’emploi précaire, déqualifié, « au noir », sans protection de santé réelle vis-à-vis des risques encourus. On y retrouve également l’engagement sur plusieurs valeurs fondamentales des droits de l’homme comme la liberté de mouvement, d’expression, de religion, de croyance, de droit à la vie privée, d’accès à l’éducation. 

Une posture proactive des entreprises est attendue sur tous ces sous-thèmes (en anglais Due Diligence). Sont-ils officiellement endossés, cités par la gouvernance dans ses attendus officiels ? Sont-ils de objets de partage transparent avec tous les employés ? Mesurés ? Avec quels objectifs annoncés ?

Un dernier volet de ce thème concerne la façon dont les services identifient et corrigent les défauts constatés. On y retrouve notamment deux sujets sensibles : comment accepte-t-on - ou pas - l’écoute des porteurs d’alertes, et comment les écarts sont communiqués avec un plan de correction dans le bilan de l’entreprise vers les actionnaires et agences de notation.

Thème 3 : diversité, égalité et inclusion dans l’emploi

Le sujet s’applique autant à l’embauche, qu’aux progressions de carrière sans plafond de verre, qui doivent d’abord reconnaître la compétence avec une attention particulière pour l’emploi des femmes. Ce thème regroupe aussi la facilitation donnée aux employés pour accéder à leurs rendez-vous médicaux ; et de façon plus générale la prise en compte et l’organisation d’une certaine flexibilité du travail au service d’une vie privée réussie.

Thème 4 : relations professionnelles dans l’entreprise et avec les clients et fournisseurs

Le thème recoupe les relations entre travailleurs et avec leurs managers, l’existence de représentations syndicales libres et élues démocratiquement, les relations entre directions et ces représentations syndicales (en s’engageant à ne pas avoir de politique discriminatoire envers les syndicalistes), le droit de grève, les mécanismes de résolution et négociation des conflits sociaux, etc. Il regroupe aussi les pratiques commerciales vis-à-vis des clients et des fournisseurs, le respect du client/fournisseur et des engagements pris, des délais et de la qualité de la production, et la description et réalité des pratiques mises en œuvre avec des fournisseurs non éthiques, allant jusqu’à l’arrêt de leur contrat.

Thème 5 : la santé au travail et le bien être des travailleurs

C’est un thème forcément plus standardisé que les précédents, avec des standards nationaux et internationaux nombreux. Mais il suppose aussi d’aller plus loin avec l’engagement que devraient prendre les multinationales à respecter le plus élevé de ces standards (entre nationaux et internationaux). 

Ce thème comprend évidemment l’analyse des risques, le plan de prévention et son application réelle, la mémoire des problèmes rencontrés et de leur correction. Il comprend aussi les notions d’information, d’écoute et de participation des travailleurs aux objectifs poursuivis et, plus récemment, celle de la lutte contre toute forme de violence et de harcèlement moral, sexuel ou autre.

Enfin, le thème devrait détailler la couverture et la communication envisagées : Qui est couvert ? Jusqu’à quel point ? Quid des sous-traitants et emplois précaires, et comment en parle-t-on en comité d’administration ? Et comment le communique-t-on à l’extérieur et aux agences, quand les chiffres ne sont pas bons ?

Thème 6 : les pratiques de DRH

Cela couvre toutes les activités de recrutement, de leadership et management, de carrière et de salaire sans discrimination, de couverture sociale, d’offre de flexibilité dans les horaires, ainsi que tout le domaine de la formation continue. Enfin - et ce n’est pas le moins important - cela comprend aussi tout le domaine de la gestion de la performance humaine de l’entreprise dans des moments de restructuration et de changement où il est clé d’ « embarquer » les employés, de créer un consensus sur les objectifs visés et une prise en compte proactive des effets collatéraux redoutés comme négatifs par les travailleurs.