Date
Janvier 2024

Resilience training for critical situation management


Sous-titre
An umbrella and a systematic literature review
Résilience
auteur
Auteur(s) :
auteurs

Ketelaars, E., Gaudin, C., Flandin, S., & Poizat, G.

référence
Référence :
référence

Ketelaars, E., Gaudin, C., Flandin, S. & Poizat, G. (2024). Resilience training for critical situation management. An umbrella and a systematic literature review. Safety Science, 170, 106311.

Notre avis

stars
4
avis

Une très bonne revue de questions sur les formations proposées pour améliorer la résilience. 

On y apprend que les produits rendus disponibles restent très centrés sur l’amélioration de la résilience individuelle (préparation mentale aux crises, gestion du stress, etc.) et peu sur l’amélioration des conditions pour sécuriser et garantir la performance des systèmes et organisations soumises à de graves perturbations.
 

Notre synthèse

Toutes les organisations industrielles de travail, et encore plus celles prévues pour les situations de crises (militaires, pompiers), sont confrontées à des surprises compromettant la sécurité. Il existe un relatif consensus sur le fait qu’améliorer la résilience de ces organisations est un plus à rechercher pour la gestion des crises.

La littérature laisse entendre de façon générale qu’il faut comprendre la résilience d’un individu ou d’un système comme l’habileté à récupérer et retrouver des conditions normales après une perturbation, à tout le moins à savoir s’adapter et gérer le stress lié à cette perturbation.

Sans surprise, l’idée formulée à ce niveau de généralité donne lieu à un grand éclectisme d’interprétations, mais elle est aussi devenue par ce fait un concept viral et central des récentes années, reconnu comme incontournable sur son besoin, stimulant une immense littérature interdisciplinaire et des liens renforcés entre science et pratiques de terrain.

Il reste à comprendre ce qu’a produit ce foisonnement notamment en termes de formations à proposer aux opérateurs et systèmes pour devenir « plus résilient ».

C’est le but de la revue de littérature proposée dans cet article.

Synthèse des revues

La première partie de l’article présente une synthèse des revues systématiques déjà publiées. Elle analyse 15 revues et méta-analyses de la littérature publiés entre 2012 et 2022

Le premier constat est que la littérature sur la formation à la résilience est déséquilibrée. 12 des 15 méta-analyses se centrent presque exclusivement sur des programmes de formation qui améliorent la « résistance mentale » et le « bien-être » individuel dans des situations perturbées et stressantes du travail (formation préventives ou réactives).
Sept de ces 15 revues incluent aussi des formations à l’amélioration de la performance sous stress et en conditions perturbées, mais cela tend à rester un objectif secondaire. La très grande majorité de ces formations vise à mieux gérer des conditions stressantes sur le long terme.

Le cas de formation à une meilleure réaction rapide à des grandes crises (attaques terroristes, inondations cataclysmiques, etc.) conduit à penser l’action de résilience comme une pratique « située », une propriété « située » et « contextuelle » très influencée par les caractéristiques du moment et du lieu. On lit dans la littérature des conseils et améliorations proposées pour améliorer cette capacité de résilience située, mais cela s’adresse aux systèmes plus qu’aux individus.

De façon globale, que ce soit pour un objectif ou un autre de formation, les formations existantes à la résilience restent surdéterminées et contingentées par leur domaine d’application, pas assez documentées, et de ce fait peu généralisables avec un support théorique univoque.
 

Contenu et propriétés des formations

La seconde partie de l’article détaille le contenu et les propriétés des formations.
Les études publiées proviennent des États-Unis (4), Australie (2), Brésil (2), Canada (2), Pays-Bas (2), Norvège (2), puis Finlande, Royaume-Uni, Irlande, Suède, Singapour (1). Elles sont publiées dans des journaux classiques dédiés aux facteurs humains, de médecine, de sécurité et de psychologie ; le reste étant publié dans des journaux de sociologie et d’éducation.

Les domaines d’applications sont en premier la santé, l’armée, les industries à risques, et la police.
Les articles sur les formations à la résilience ont différents objectifs, le plus souvent très classiques en décrivant surtout la formation par elle-même (à qui, quoi, comment) et ses effets, parfois en incluant une analyse de l’impact système et de l’effet dose (combien), ou plus rarement encore en analysant l’apport de ces études et les propriétés même de la résilience.

La plupart des interventions proposées sont multifacettes, très contextualisées à un seul domaine, procédant par cas, incluant l’analyse de l’effet, la satisfaction des formés et le dosage idéal.

La définition de la résilience est – comme déjà dit – très éclectique.  Elle va de très locale (l’obtention d’un bon résultat précis local après une expérience négative) à une vision très générale (l’acquisition de savoir-faire/d’un répertoire pour mieux gérer les situations incontrôlées, garantir la performance et sécurité, s’adapter aux changements, gérer le stress, conserver des capacités cognitives efficientes sous stress, etc.).

Finalement, ce sont trois visions de la résilience qui se dégagent derrière cet éclectisme :

  • « Absorbante » : capacité à absorber une perturbation en minimisant les effets de cette perturbation avec un moindre effort produit. Une idée souvent reprise par la physique des matériaux.
  • « Adaptative » : capacité à s’adapter à la perturbation et vivre avec en limitant ses effets catastrophiques. Une idée souvent reprise par les théories psychologiques et sociologiques sur les organisations.
  • « Restauratrice » : capacité à « rebondir » après un épisode perturbant. Une idée plus souvent reprise par la vision écologique de la résilience.

Les auteurs poursuivent en reprenant trois points en détail : quelle population ciblée dans les formations, quelle adversité redoutée, et quel résultat de résilience espéré après une formation.

La cible des actions de formation est majoritairement celle des individus, bien plus rarement des systèmes, même si certaines interventions sont réputées mixtes. Les collectifs sont encore plus rarement une cible.

Le dénominateur commun sur l’adversité reste flou : un « quelque chose » qui peut toujours ‒ ou parfois ‒ être négatif, selon s’il est attendu ou pas. On trouve aussi des références à des informations erronées, à des situations hors de contrôle et à des changements divers. Cette adversité est lue par la majorité comme une condition pour parler de résilience. On note toutefois que le courant de résilience engineering (RE) parle aussi d’apprendre de « ce qui va bien » et donc de regarder le fonctionnement normal.

La nature de la résilience peut être lue comme une propriété, une capacité ou un savoir-faire. C’est en général la réunion d’un bon résultat (une satisfaction mentale à atteindre) et d’un bon processus pour atteindre ce résultat (le comment faire).

Les interventions de formation proposées ont des caractéristiques variables. Leur durée d’abord, qui varie considérablement, d’une fois une heure (atelier intensif) à des formations d’une semaine, voire plusieurs semaines et modules.

La forme de la formation est également très variable : mise en situation via les simulations suivies de debriefings, groupes de parole permettant des échanges sur l’expérience de chacun (pratique réflexive). Des connaissances plus formelles sont en général transmises dans des séquences intriquées aux différentes formation.

Typologie des formations citées :

  • Les formations visant à se préparer à gérer les situations complexes et inattendues (Preparedness training) reposent en général sur le partage d’expérience sur des cas passés et l’adoption de bonnes pratiques et procédures à l’avenir.
  • Les formations visant à mieux résister au stress (Stress inoculation training) font plus appel aux formations comportementales. Souvent composées d’une prise en charge psychologique, d’une phase d’acquisition de compétences spécifiques, et finalisées par une phase d’application. Les applications de ce type d’approche sont classiques pour les « forces spéciales », avec une exposition graduée et progressive à des situations stressantes.
  • Les formations visant à améliorer la performance individuelle (Personal effiacity training) portent à la fois sur la capacité à préserver ses capacités mentales et physiques sous contrainte, à détecter et comprendre des situations anormales (sense-making), à produire de l’attention augmentée et parfois aussi à acquérir des capacités dédiées comme le self defense pour les forces armées. Ces formations comportent souvent une visée réflexive sur l’auto-analyse de ses propres capacités et de leurs limites.
  • Les formations produites par le courant Resilience Engineering (RE training) sont plus centrées sur la compréhension par les opérateurs de la nécessaire adaptation de la composante système et de leur rôle pour l’améliorer.  Le mode le plus employé de formation est l’analyse de cas pratiques (parfois sur un jour complet) suivi d’un exercice collectif de debriefing. L’exposition au cas et aux simulations doit entraîner l’acquisition d’un savoir expérientiel, dans la logique de la théorie de l’apprentissage expérientiel qui vise à tirer du cas concret un savoir apprendre général plus qu’un savoir formel et dédié de procédures.
  • Les formations de résilience du collectif (Team resilience training) utilisent aussi majoritairement des situations d’exemples où l’on fait varier le niveau de problèmes à gérer par le collectif. Ces formations sont supposées former le collectif à une réponse supérieure à celles des individus qui le composent.
     

Quelle évaluation de ces formations ?

La plupart des évaluations des formations interviennent immédiatement après la formation, parfois avec une comparaison avant/après, parfois aussi avec plusieurs évaluations dans le temps, mais avec un temps plutôt mesuré en semaines qu’en années.

L’évaluation elle-même peut résulter d’un questionnaire (auto-évaluation sur sa perception d’anxiété, de niveau de résilience, d’efficacité), d’une mesure de stress physiologique, d’une mesure de performance, de leadership, y compris de tests cognitifs, de satisfaction des participants, de connaissances acquises ou de résultats comportementaux observés dans un contexte qui fait sens.

Sur les 21 études retenues, 16 ont trouvé un effet mesurable de la formation : meilleure confiance et résilience perçue (35 %), meilleure résistance au stress (20 %), meilleure forme physique ou cognitive (25 %), meilleurs résultats de terrain (20 %).

À l’issue de cette revue, les auteurs reprennent en synthèse les deux vues différentes de la résilience relevées dans l’analyse :

  • Celle voyant la résilience comme une propriété des individus qu’on peut améliorer par la formation pour mieux gérer les états de stress (avec dans ce cas une application privilégiée pour les professions à risque, militaires, policiers, etc.),
  • Et celle voyant la résilience d’abord comme un comportement des systèmes et des organisations (la perspective de Resilience Engineering) pour laquelle les professionnels doivent apprendre à réguler les comportements du système et des organisations afin de leur conférer la meilleure orientation et résilience possible. On considère dans ce cas, comme le dit Hollnagel, que la résilience est d’abord quelque chose que le système ou l’organisation « fait » en situation dégradée (émergence, énaction, créativité), plutôt que quelque chose que le système « a » comme habileté en lui.

Au bilan, il est largement admis que les capacités professionnelles à prévenir et gérer des situations de crises sont essentielles et peuvent et doivent être l’objet d’apprentissage. Côté individuel, il faut admettre que les approches de préparation mentale ont précédé le courant résilience et continuent à vivre sans être forcément automatiquement et explicitement associées au mot résilience.

De façon générale, on peut être déçu de la qualité des formations mises en route, surtout quand il s’agit d’améliorer la résilience des systèmes. Ces dernières formations restent très spécifiques aux situations et domaines, peu généralisables, avec peu d’apprentissage à former à la résilience avec un objectif transversal et générique d’apprentissage de principes.