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Novembre 2021

How Just Culture and Personal Goals Moderate the Positive Relation between Commercial Pilots’ Safety Citizenship Behavior and Voluntary Incident Reporting


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Sieberichs, S. & Kluge, A.

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Sieberichs, S. & Kluge, A. (2021). How Just Culture and Personal Goals Moderate the Positive Relation between Commercial Pilots’ Safety Citizenship Behavior and Voluntary Incident Reporting. Safety, 7(3), 59.

Our opinion

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4
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Un article intéressant sur ce sujet de la culture juste et du signalement des violations car il va au-delà de ce qui est dit habituellement et parle du mariage nécessaire entre attitude personnelle de l’opérateur et culture de sécurité de l’entreprise.

Notre synthèse

L’amélioration de la sécurité des vols est historiquement associée aux incidents déclarés en routine par les pilotes. Le pilotage des avions de ligne est une des rares professions pour laquelle le signalement des incidents est une pratique mondiale obligatoire (légale), profondément ancrée dans la culture du métier, et souvent — mais pas partout — protégée par les dispositions internes à la compagnie (accord syndical) qui permettent aux pilotes de signaler sans risque de sanction. Le domaine est bien cadré ; les règlements aéronautiques listent un certain nombre d’évènements obligatoires à signaler, tout en encourageant tout signalement complémentaire.

L’Association internationale du transport aérien (IATA) recommande — en reprenant les propositions de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) — de construire les formations récurrentes des pilotes (tous les 6 mois) sur la base de situations et incidents observés par les pilotes et des écarts notés par les systèmes de surveillance automatique. Rappelons que les signalements spontanés des pilotes peuvent pointer des évènements connus par eux seuls, ou éclairer et contextualiser des informations provenant des enregistreurs (boites noires) signalant des critères de dépassement de valeurs seuils pendant le vol.

En quelque sorte, l’aviation est un modèle pour bien d’autres industries sur cette question du signalement et de la remontée d’informations. Et pourtant, même avec cette culture ancienne et solide, bien des évènements restent non signalés, particulièrement les violations.

Parmi les causes que la littérature mentionne régulièrement et qui freinent ce signalement, on retrouve :

  1. le climat difficile qui règne dans certaines compagnies aériennes en difficulté ou trop autoritaires (peur de la sanction sous toutes ses formes),
  2. la peur d’abimer l’image de soi auprès de ses pairs quand on a mal géré une situation (ce sont habituellement des pilotes qui servent d’analystes à temps partiel dans le réseau sécurité des vols à qui on déclare l’incident),
  3. et évidemment une grande difficulté à rapporter plus spécifiquement les violations qui engagent directement la responsabilité de l’équipage.

L’article porte sur l’introduction du concept de culture juste qui, en aviation comme dans toutes les industries, voudrait rompre avec cette omerta sur les violations et les rendre bénéfiques à la sécurité par les leçons qu’elles portent, avouables et ne donnant pas lieu à sanction dans la majorité des cas où elles s’avèrent être la conséquence forcée d’un système mal conçu, et/ou exigeant des performances incohérentes avec le respect des procédures.

Les auteurs introduisent à cet effet le concept de SCB (Safety Citizenship Behavior), en le définissant comme un comportement de signalement volontaire qui dépasse la dimension factuelle de la situation et porte sur un engagement personnel dans la construction de la sécurité, et sur tout aspect d’organisation du travail améliorable. Le concept est finalement proche d’un état d’esprit qui, dans la littérature, est associé à l’idée de « comportement actif de sécurité participative », engageant au quotidien l’opérateur — ici le pilote — à considérer les améliorations à apporter à son rôle propre et celui des collaborateurs, de l’organisation ; bref, à prendre des initiatives et à penser amélioration continue de la sécurité et de l’organisation du travail en lien avec la sécurité au sens large.

L’une des hypothèses des auteurs est qu’un pilote qui adopte cette attitude sera plus enclin à signaler ses propres écarts, et le fera en contextualisant mieux les raisons de ces écarts, surtout s’ils sont volontaires.

L’article débute par une revue de littérature de ce qui est dit sur le comportement de signalement des pilotes en rapport avec la culture dominante de la compagnie, puis propose une expérimentation pour démontrer la réalité de ces liens.

La méthode utilise un questionnaire adressé à 202 pilotes allemands, la moitié commandants de bord et l’autre moitié copilotes, qui les interroge sur leurs jugements sur des mises en situations, et sur leur degré d’accord avec des propositions sur le système de signalement des erreurs (de technique, de décision) et des violations dans leur compagnie.

Des entretiens complètent cette approche par questionnaire pour évaluer leur engagement participatif à la sécurité et ses freins éventuels.

Le questionnaire utilise 9 scénarios de mise en situation : 3 sur des erreurs techniques, 3 sur des erreurs de décisions et 3 sur des violations, où il est demandé aux pilotes s’ils signaleraient (ou pas) ces incidents.

  • Exemple de scénario d’incident en lien avec une erreur technique :
    « Pendant la croisière, vous recevez une autorisation de montée au FL380. Vous initiez la montée en utilisant le système de vol automatique en sélectionnant une vitesse verticale. Après cela, vous continuez à lire dans votre revue. Quelques instants plus tard, vous voyez que l’indicateur de vitesse a chuté vers la vitesse minimale. Vous diminuez votre vitesse verticale et continuez le vol sans autres incidents ».
  • Exemple de scénario d’incident en lien avec une erreur de décision :
    « Lors de l’approche finale, la tour signale qu’une planche de bois a été vue sur le bord droit de la piste par un autre aéronef. Vous décidez d’atterrir un peu à gauche de la ligne médiane. Lors de l’atterrissage, vous voyez en fait plusieurs planches de bois qui auraient pu causer des dommages si vous aviez touché le sol sur la ligne médiane. Vous roulez jusqu’à la porte sans autre incident ».
  • Exemple de scénario d’incident en lien avec une violation :
    « Pendant l’approche finale, vous volez plus vite que d’habitude pour réduire le retard de votre vol. Distrait par plusieurs appels ATC, vous sautez une étape de configuration de l’avion et atteignez l’altitude de palier prescrite dans la descente avec une survitesse de 30 nœuds. Avec votre collègue, vous effectuez une évaluation des risques et décidez de poursuivre l’approche, car l’approche interrompue traverserait une zone de mauvais temps. Vous atterrissez et roulez jusqu’à la porte sans autre incident. »

Les réponses ont permis de différentier trois types d’attitudes caractérisant trois populations de pilotes vis-à-vis du signalement, particulièrement celui des violations, et des engagements vis-à-vis d’une participation active à la sécurité.

Les résultats confirment que ceux qui sont plus participatifs dans leur état d’esprit signalent beaucoup plus en volume les incidents, et particulièrement les violations, que les pilotes moins participatifs.

Mais même pour ces pilotes participatifs, la force de l’engagement à signaler va dépendre de la culture de la compagnie et des peurs qui y sont rattachées. Les compagnies qui sont jugées avoir mis en place une culture juste et la pratiquer ont les plus hauts scores de signalement de violations (moyennant le gradient précédent entre pilotes participatifs et ceux qui le sont moins).

A noter que le lien positif entre culture juste et signalement des violations n’est pas retrouvé pour le simple signalement d’erreurs.

Le lien entre culture juste et réduction des freins liés à la honte de montrer ses erreurs à ses pairs, est à peine significatif pour les violations et uniquement pour les pilotes peu participatifs, et non significatif pour tous les autres pilotes et types d’erreurs.

Les auteurs concluent que le signalement est évidement un objet finalisé dont le contenu est fortement dépendant de ce que l’opérateur qui signale pense en faire lui-même pour le bénéfice de la sécurité, et sur ce qu’il s’attend comme usage de son organisation. Pour le dire autrement, on signale ce que l’on veut changer, et aussi ce que l’on croit qui va servir à son organisation et sur comment elle va s’en servir. Si l’on ne veut rien changer personnellement (« on s’en fout »), et/ou si l’organisation n’est pas considérée comme capable d’écouter et comprendre le signalement, le signalement restera marginal, simplifié, amputé, voire falsifié.